Physical Address

304 North Cardinal St.
Dorchester Center, MA 02124

La Néo-Zélandaise Lisa Carrington, au sommet de son art, dans les épreuves de kayak sprint

Lisa Carrington n’est pas du genre à lever des poings rageurs ou à hurler sa joie sur la ligne d’arrivée, qu’elle franchit très souvent en première position à la fin des courses de kayak sprint. Samedi 10 août, sur le bassin d’eau calme du stade nautique de Vaires-sur-Marne (Seine-et-Marne), la Néo-Zélandaise a simplement posé sa main sur la coque de son bateau en guise de remerciement, à la manière d’un cavalier caressant l’encolure de son cheval, après sa victoire en finale du 500 m K1 (kayak monoplace).
Elle pourrait pourtant s’autoriser quelques effusions de joie, à la mesure de ce qu’elle a accompli durant les Jeux de Paris 2024. Alignée sur trois distances différentes dans les courses en ligne de kayak – le programme olympique compte également des courses en ligne de canoë –, elle s’est imposée successivement sur 200 m K1, en 500 m biplace ou K2, et donc samedi sur 500 m K1.
Des dix médailles d’or collectées par la Nouvelle-Zélande à une journée de la fin des Jeux olympiques, quatre proviennent du canoë-kayak : trois en kayak sprint, avec Lisa Carrington, une en kayak cross, avec Finn Butcher. « Another hat-trick of golds [« un nouveau triplé de médailles d’or »] », a salué le grand quotidien néo-zélandais, The New Zealand Herald, sur son site, soulignant que « dame Carrington » avait réitéré sur le plan d’eau francilien ce qui relevait déjà de l’exploit en 2021 à Tokyo : un triplé olympique.
Ces six victoires, ajoutées à celle remportée en 200 m K1 à Londres en 2012 et à celle du 500 m K1 à Rio en 2016, font rentrer la native de Tauranga, sur l’île du Nord, dans le cercle très fermé des olympiens huit fois titrés aux Jeux d’été, dans lequel figurait jusqu’à présent une seule kayakiste, la citoyenne de République démocratique allemande puis de l’Allemagne réunifiée, Birgit Fischer.
Mais cette comptabilité n’intéresse guère l’athlète de 35 ans, qui ne brillait pas dans ses premiers championnats du monde chez les jeunes, avant de faire le choix d’abandonner ses autres passions sportives : le netball – un dérivé du basket-ball – et le sauvetage côtier en surf. Depuis qu’elle consacre tout son temps au kayak, Lisa Carrington s’impose un rythme d’entraînement intense et un niveau d’exigence extrême. En finale du 500 m K1, elle a fait preuve d’un sens tactique et d’une vélocité impressionnante, remontant le bateau de tête hongrois à mi-parcours pour prendre les commandes et ne plus les lâcher jusqu’à la ligne d’arrivée.
« Elle va tellement vite », a simplement réagi sa plus sérieuse rivale du jour, Tamara Csipes, médaillée d’argent, reléguée à plus d’une seconde de la Néo-Zélandaise sur le plan d’eau aussi lisse samedi qu’il était agité la veille. Les conditions venteuses sont si fréquentes qu’elles ont valu au site olympique le surnom de Vent-sur-Marne !
« C’est un ovni », reconnaît la kayakiste française Vanina Paoletti à propos de la championne néo-zélandaise. « Filles et garçons confondus, Lisa est, en termes techniques, le meilleur pagayeur du monde. Elle optimise tout. Mais ce qui m’impressionne le plus, c’est qu’elle est capable, à très forte cadence, d’ouvrir les mains à chaque mouvement pour ne pas trop charger les avant-bras. Elle a des positions de mains nickel, une allonge exceptionnelle », détaille l’athlète, bluffée par sa capacité à enchaîner les courses et à les gagner. La tricolore avance une explication : « Elle a tellement de marges sur les autres qu’elle perd peu d’énergie sur les phases de qualifications, alors que beaucoup d’entre nous sont obligées d’être tout le temps à fond pour passer chaque étape. »
L’intéressée en livre une autre : « Ça semble simple, mais ce n’est pas simple du tout, on travaille très dur à l’entraînement pour arriver à ce résultat. J’essaie juste de faire du mieux que je peux. » Au-delà du palmarès unique qu’elle construit d’une compétition à l’autre, Lisa Carrington a donné dans son pays un visage, et des perspectives, à un sport dans l’ombre du rugby, du cricket, de la voile ou encore de l’aviron. « Avec ses premières médailles à Londres puis à Rio, elle a rendu le kayak plus populaire », témoigne Sarah Walker, membre néo-zélandaise du Comité international olympique (CIO) et ancienne championne de BMX. Elle tire aussi vers le haut l’équipe nationale. « Elle gagne en solo, mais aussi en biplace et en quatre places, souligne Vanina Paoletti. Comme elle est très talentueuse, la Nouvelle-Zélande a pris le pli de former des jeunes femmes pour l’accompagner. »
« Elle est connue dans tout le pays, mais elle reste super humble, en essayant d’être la meilleure et de montrer de quoi elle est capable », témoigne la représentante du CIO, présente sur le site des Jeux pour lui remettre cette nouvelle médaille d’or.
A cette modestie chevillée au corps s’ajoute un attachement viscéral à ses proches et à ses origines maories, que Lisa Carrington mentionne souvent. Mais là encore, avec une certaine retenue en public. En revanche, dans l’intimité de son bateau, elle a, glissé autour de son cou, une pierre verte au motif tribal. Elle explique : « Elle représente les gardiens protecteurs de mon peuple », qu’elle honore de ses si nombreux titres.
Simon Roger
Contribuer

en_USEnglish